Madeinearth se demandait dans son tout premier billet ce qui l’avait amené à la décroissance. J’ai moi aussi du mal à répondre quand on me pose la question, tant aujourd’hui mes convictions et mon engagement me semblent évidents. Pourtant, il est intéressant de se demander comment on est arrivé là où l’on se trouve.
J’ai toujours eu des convictions écologistes. C’est-à-dire que dès que j’ai été en âge de comprendre, j’ai vu comme une évidence la nécessité de préserver notre environnement et d’arrêter de le détériorer comme nous le faisions. Je ne mettais pas forcément des mots sur ces convictions, c’était un ressenti mais c’était fort. A cette époque (fin des années 70-début des années 80) ces thématiques étaient rares dans l’actualité. En réalité, on connaissait surtout l’engagement de Brigitte Bardot en faveur des bébés phoques. Ce n’était finalement pas si mal de prôner le respect de la vie, nonobstant le fait que c’était une manière d’envisager le problème par le petit bout de la lorgnette. Mais cela restait anecdotique. Et en bref, l’écologie faisait essentiellement rigoler. En tout cas, autour de moi, lorsque j’exprimais des convictions, ça rigolait bien (curieusement, aujourd’hui je n’ai pas tellement changé de point de vue sur ces sujets mais ça rigole beaucoup moins. Je dis ça…)
A l’adolescence, lorsque j’ai découvert avec ravissement que je n’étais pas la seule à penser comme je pensais, j’ai commencé à militer. J’ai délaissé les boums (oui, on disait comme ça, de mon temps) pour monter un club nature avec des copines. On fabriquait des expositions : des séries de grands panneaux sur les animaux en voie de disparition, la pollution… tout écrit à la main, avec des photos collées et du plastique transparent par-dessus et on les proposait aux bibliothèques de quartier qui les affichaient et organisaient des rencontres avec des lecteurs, et nous. C’était un peu la gloire. On faisait signer des pétitions contre la vivisection, contre la dissection des grenouilles en classe de sciences nat’ (on ne disait pas encore SVT à l’époque…). Et puis le temps a passé et avec l’entrée au lycée, le club nature s’est dissout de lui-même et mon militantisme avec. Mes convictions écologistes restaient mais j’avais eu le temps de prendre la mesure des intérêts mercantiles qui primaient sur le reste, de la puissance des décideurs qui s’en fichent, du cynisme ambiant. L’évidence s’imposait : je n’allais pas remettre la planète dans le droit chemin à coup d’expositions, la tâche s’avérait colossale, décourageante. Et puis études, mariage, bébés, boulot (enfin, chômage surtout)… j’ai milité ailleurs, notamment pour la liberté de donner naissance à ses enfants à la maison, ce qui est une autre histoire (quoique… la liberté de choix pour une naissance humaine… c’est une sorte d’écologie du début de la vie).
Et puis après une période sans engagement du tout, l’envie de militer est revenue. Peut-être que le 21 avril 2002 y est un peu pour quelque chose. Toujours est-il qu’en 2006, j’ai profité des « promos » (une adhésion à 20 €, pensez-vous, c’était tentant !) pour prendre ma carte rose. Je voulais voter aux primaires pour Ségolène. Je voulais, tant qu’à faire, m’engager, participer, mettre la main à la pâte pour éviter un deuxième désastre… Donc j’ai fait les choses « à fond », réunions de cellule et tout le tintouin… Et je n’ai pas tardé à être déçue. Aucun sens des réalités, aucune conscience écologique, pas prêts à arrêter le nucléaire… des types qui en étaient seulement à découvrir que la pilule n’est pas remboursée par la sécurité sociale (bon, mon garçon, faudrait peut-être se réveiller et sortir un petit peu, hein). Alors l’écologie… Bref, un espoir militant déçu. Je sentais que tout cela ne me correspondait pas et je ne sais pas m’engager pour quelque chose qui ne me correspond pas. Et les verts ? Eh bien, non, je ne sais pas mais je n’ai jamais été tentée par les verts, même un peu, même de loin. Sans qu’il y ait de raison rationnelle. En 2002, je me sentais presque plus proche de l’énergie déployée par Corinne Lepage.
Et puis, un soir de l’été 2009, je soignais ma déprime en cherchant sur le net des informations sur la vie en yourte. Dans mon marasme financier, je me disais que je n’arriverais jamais à être propriétaire mais que comme dans le même temps je saturais du statut de locataire, la yourte pourrait être une solution. De site en site, je suis tombée sur le concept de « simplicité volontaire », d’abord au Québec, puis en Europe, puis sur le forum de la SV que j’ai commencé à lire avidement. Coup de cymbale dans mon quotidien : depuis longtemps je pratiquais la simplicité volontaire sans le savoir. Ou plutôt, de la simplicité involontaire imposée par ma situation financière, j’étais tranquillement passée à une simplicité volontaire qui me rendait heureuse. En cela, j’avais été bien aidée par mon installation à la campagne quelques années auparavant. Or donc, il existait un concept, des personnes… Encore une fois, je découvrais, avec le même ravissement que vingt cinq ans plus tôt, qu’il existait des personnes qui partageaient les convictions que j’avais bricolées dans mon coin mais pas conceptualisées. Toute à ma joie, j’allais quotidiennement sur le forum mais sans m’y être inscrite ni l’avoir mis dans mes favoris, si bien que pour le retrouver, je passais par un moteur de recherche en tapant « simplicité volontaire ». Après quelques temps, j’ai été intriguée par un lien qui se présentait systématiquement dans les résultats juste après celui du forum, un lien vers cette vidéo :
Et c’est en la regardant que j’ai découvert le concept d’objecteur de croissance et de décroissance. Que j’ai découvert Serge Latouche, Paul Ariès, Vincent Cheney… Et que tout cela me correspondait, enfin.
Il faut dire qu’en plus de l’écologie, mon intuition me soufflait aussi que ce n’était pas possible : la croissance ne peut pas être éternelle, c’est-à-dire que si on suppose qu’il y a croissance, dans le meilleur des cas il y aura nécessairement des épisodes d’effondrements réguliers et puis redémarrage, parce que, comme le dit un proverbe de traders, « Aucun arbre ne monte jusqu’au ciel ». Et le problème, c’est qu’un effondrement (crack boursier, crise…) fait des victimes, toujours les mêmes, les plus pauvres, les plus fragiles d’une société. Or là, je découvrais qu’on pouvait envisager une société sans croissance. Ecologique, équitable, partageuse, respectueuse… Bref, l’écologie mais en plus large, une écologie sociale en plus de l’écologie environnementale, si j’ose dire, une écologie globale. A ce moment, je pourrais dire, comme Madeinearth, que c’était une graine en moi qui a germé. Il ne manquait qu’un terrain favorable, que je venais de rencontrer.
Lectures en tout genre et retour du militantisme. C’est précisément là que je veux être. Parce que le projet de société auquel j’adhère, celui que je voudrais pour tout un chacun, il est là. Voilà, c’est une machine qui cette fois n’est pas près de s’arrêter. Je ne me fais aucune illusion : nos chances d’arriver à arrêter la machine infernale dans laquelle nous nous trouvons tous avant qu’il ne soit trop tard sont maigres, infinitésimales même. Mais je veux quand même essayer. On ne sait jamais, tout n’est peut-être pas aussi noir que ça en a l’air…
idem. la précarité enseigne qu’on faire autant, voire mieux, et en plus avec plus de liberté d’esprit avec beaucoup moins. le hic, c’est que justement c’est précaire, donc la balance est toujours une histoire d’aguiller des noix sur un bâton, un rien et ça s’effondre.
je vous ai découverte via FB, une conf de bourguignon et quelqu’un qui mettait votre “critique” de sa manière d’exposer en lien et en contre-poids (et pas en contre-argument).