Je les aime bien, les éleveurs. Non, sérieusement, à quelques exceptions près, je les aime bien. En ce moment, en tant que remplaçante, je ne vais, par définition, que dans des élevages que je ne connais pas. Donc quand j’arrive, je commence toujours par demander si je suis au bon endroit, et puis je dis bonjour (petit serrage de louche), et puis je lui demande de quoi il a besoin. Et c’est là que ça se gâte. Parce que la réponse est rarement de celles qui m’éclaireraient et souvent de celles qui creusent l’abîme de ma perplexité. Juste deux ou trois exemples, pour rire :
Moi : “Comment voulez-vous qu’on procède ?
Lui : Ben, comme d’habitude…”
Oui. Mais comment te dire, Coco, d’habitude c’est pas moi, alors là, il va falloir m’aider un peu.
Il doit s’imaginer qu’avant de venir, j’ai passé un long moment au téléphone avec la technicienne titulaire et que je sais tout de lui en arrivant. Seulement “sa” technicienne, elle est à l’hôpital, elle a autre chose à faire que de renseigner sa remplaçante, donc je ne lui ai pas parlé et j’arrive… comme une fleur.
Moi : “De quoi avez-vous besoin ?
Lui : De tout.”
Tout… mais tout comment ? Parce que la vaisselle, par exemple, là, ça va pas être possible.
Encore un qui croit que tous les techniciens travaillent exactement de la même manière (s’il savait) ET qu’ils travaillent chez tout le monde de la même manière. Alors qu’entre le type qui est tout seul avec trente Montbéliardes et les quatre associés du GAEC, là, avec leurs cent cinquante prim’holstein, y a comme un écart. Dont on essaye de tenir compte. Eh oui, le conseiller est souple et adaptable. Etonnant, non ?
Moi :”Comment souhaitez-vous qu’on travaille ?
Lui : Comme vous voulez.”
Ah ! Eh bien, si c’est comme je veux, je suggère de commencer par une petite tasse de thé et après on pourrait aller à la plage. Non ? J’me disais aussi…
Mais mon gars, c’est pour toi qu’on travaille, là, pour TES vaches à toi, je suis là pour TE rendre service. Et je ne t’en voudrai pas si tu oses me dire de quoi tu as besoin. Au contraire. Ça m’arrangerait, même, vu que ça me permettrait de savoir quoi faire et surtout, ça m’éviterait de passer à côté de quelque chose d’essentiel.
Moi : “De quoi avez-vous besoin ?
Lui : De mes résultats.”
Sans blague !
C’est l’objet principal de ma visite, te donner et commenter tes résultats, alors bon, je me doute que tu les attends. Non, ce que je voudrais savoir c’est… à part tes résultats, tu as besoin de quoi ?
J’aime bien ceux qui sont capable de dire : “J’ai besoin qu’on regarde en détails les résultats cellules parce que j’ai eu des mammites ces derniers temps. Je n’ai pas besoin d’accouplements parce que c’est l’UPRA qui me les fait mais il me faudrait une ration et je voudrais aussi qu’on fasse le point sur mon quota.” Par exemple. Mais ils sont rares.
Je déteste quand ils attendent que j’aie remballé l’ordinateur et l’imprimante pour me dire “Ah, j’ai oublié de vous demander : j’ai besoin d’un inventaire des animaux à la date du 1er septembre parce que mon comptable vient la semaine prochaine.” Ce qui m’oblige à tout redéballer. Donc je demande, l’air de rien, avant de débrancher “Avez-vous besoin d’autre chose ? Un autre document ? Un inventaire ?” Et au moins trois fois par semaine, on me répond : “Ah si, un inventaire, j’allais oublier.”
Petite annonce : Urgent, conseillère au contrôle de performances cherche stage accéléré de télépathie pour application pratique en élevage laitier.
Ça fait du bien d’en parler…
Mais bon, sinon, je les aime bien, les éleveurs.