Il est mignon. Je sais bien, cette pensée n’aurait pas dû être la première que j’ai eue quand je l’ai vu la première fois, n’empêche… il est mignon. Pas très grand, brun, des yeux magnifiques et un sourire craquant. Appétissant. Avant d’aller sur le terrain, il se change en passant par l’étape “en caleçon sans complexe”. Plutôt en boxer, d’ailleurs. J’admire du coin de l’œil, l’air de rien.
Il est incroyablement jeune, aussi. Je me sens vieille, en face de lui. Je me sens vieille mais présentement, celui qui sait, c’est lui. Moi, je suis la stagiaire. Il a les tics de langage des trentenaires, multiplie les “du coup” et les “quetchose”. Chez n’importe qui d’autre, ça m’agacerait, pas là. Je me suis vite aperçue que l’intérieur de ce garçon valait l’extérieur. C’est une belle âme. Et un cerveau, qui turbine très vite et comprend tout. Il est au top, il connaît notre sujet, en quelques secondes il a pris du recul, analysé la situation, donné une réponse à la question que je pose ou proposé une piste. Il m’entraîne vers les hautes sphères des théories agronomiques dans un bouillonnement intellectuel qui me ravit. Nos conversations ressemblent à des discussions à bâtons rompus ; sait-il que je prends des pages de notes fébriles dès qu’il a le dos tourné ? Je ne quitte pas mon cahier, mon cahier à fleurs, qu’il a rebaptisé dans une gentille taquinerie “le cahier où y a tout”. Ce qui est vrai ; dans mon cahier il y a tout. Les références de mes lectures, les descriptions de mes observations, les chiffres et les résultats de mes expérimentations, les idées qui me viennent, toutes, même les plus saugrenues… et le contenu de nos conversations. Ce dernier n’est pas le moins précieux à mes yeux.
Je me rappelle cet après-midi passé assis côte à côte au fond d’un profil de culture, à faire des échantillonnages en bavardant. Je me souviens de sa présence attentive pendant ma soutenance ; pas très à l’aise de se trouver dans une position de jury après tout ce temps à être complices. Cette toute première conversation téléphonique avec son bébé qui gazouillait en bruit de fond. Ses relectures, ses annotations, ses conseils… J’ai passé quatre mois au paradis, à gratouiller la terre, à compter les vers de terre, quatre mois à baigner dans le doux bain du foisonnement d’idées qu’il créait par sa seule présence, à me faire dorloter en quelques sortes. Je serais restée, si j’avais pu, profession : stagiaire, ça ne m’aurait pas dérangée. Las, tout a une fin. La soutenance, nos dernière conversations dans le train du retour, un clin d’oeil sur le quai de la gare… j’étais déjà nostalgique.
C’est ça la nostalgie : être obligés de quitter des personnes, pour une raison ou une autre, avec lesquelles on se sent beaucoup d'”atomes crochus”.
La vie est faite de séparations.
Mais il reste les bons souvenirs!!
Je croyais qu’Antonin, c’était la mouche sur la photo (ou quoique ce soit). C’est qui cet éphèbe?