PMO rebat les cartes : faux pas ou suicide politique ?

PMO logoMais quelle mouche a piqué PMO ? Récemment, le collectif grenoblois publiait un texte intitulé Ceci n’est pas une femme, un long texte (32 pages) accompagné d’une série de cartes comportant des “études graphiques” sur le genre, dont la lecture est pour le moins surprenante.

Avant toute chose, il faut arriver à le lire, ce long pamphlet, car il se révèle particulièrement indigeste. Où sont donc passées la rigueur et la concision de PMO ? Que sont devenus ses textes sobres et efficaces ? Plus de trente pages d’un catalogue de citations, entrecoupées de commentaires dont on ne sait jamais si le contenu est ou non ironique, et c’est d’ailleurs le deuxième problème. Trop d’ironie tue l’ironie. Quand on l’utilise à outrance, le lecteur ne sait plus où est le premier degré, ne peut plus faire la part des choses, le sens est inaccessible. Enfin, le texte part dans toutes les directions, en une salade incompréhensible dont je ne suis pas parvenue à percevoir la structure, ni les tenants et les aboutissants. Il m’en reste une impression tenace de bazar dans lequel une chatte ne retrouverait pas ses petits.

J’ai cependant réussi à saisir tant bien que mal quelques idées et je n’ai pas osé comprendre, dans un premier temps. Je n’ai pas voulu croire ce que j’avais compris. Hélas, renseignement pris, il semble que d’autres que moi aient compris la même chose.

Ainsi donc, PMO publie un texte sur le genre. Certes, sur le principe, tout ne serait pas forcément à jeter, la réflexion pourrait en un certain sens se révéler intéressante. Mais le contenu est entaché de manière rédhibitoire par un positionnement ouvertement machiste, homophobe, lesbophobe et transphobe. Ajoutons à cela une lecture erronée de Simone de Beauvoir et des contre-sens en pagaille, c’est la totale ! Je ne vais pas me lancer dans un recueil de citations pour appuyer mon propos. D’une part, ce serait illisible, d’autre part, je ne vais pas tomber dans le travers que je dénonce, d’autant plus qu’on pourrait à juste titre me reprocher de tirer des citations de leur contexte et, ce faisant, de tordre le propos de PMO. J’invite donc le lecteur à se rendre compte par lui-même.

J’ai cru à un faux pas. J’ai espéré que ce n’était qu’un faux pas. Mais il n’en est rien, puisque récemment, PMO récidive en faisant un commentaire en contre-sens complet d’une nouvelle de Kurt Vonnegut Jr., suivi d’une interprétation totalement délirante d’un texte de Béatrice Preciado, qualifiée de “théoricienne lesbienne queer”. Là encore, je laisse le lecteur se rendre compte 1.

En conclusion, PMO aurait mieux fait de s’en tenir aux puces RFID, aux nanotechnologies, aux OGM, à la contestation de Minatec et de Clinatec. Parce que non seulement ses publications sur le genre présentent un contenu inacceptable mais les contre-sens et les approximations discréditent la totalité de sa production. J’ai toujours pensé que le travail de PMO était empreint d’une très grande rigueur et solidement documenté. Je constate ici que ce n’est pas le cas. Me suis-je trompée depuis le début ? Est-ce que j’ai pris des vessies pour des lanternes ? Je pense que non. Je ne sais pas ce qui s’est passé, je ne comprends pas ce virage, mais PMO déraille sérieusement. Moi qui avais de l’admiration pour leur travail, je ne peux plus les suivre à présent. Je faisais régulièrement référence à leurs textes, je ne le ferai plus. Tous les textes précédents gardent leur valeur à mes yeux mais mon adhésion s’arrête là.

Quant au collectif PMO (même s’il a toujours refusé cette appellation, mais laquelle employer ?), il signe son suicide politique et c’est regrettable. Le développement débridé des nano et biotechnologies avait bien besoin d’une contestation sérieuse ; elle n’existe plus aujourd’hui. Ma déception est à la hauteur de l’estime que j’avais pour eux avant.

Addendum : Lorju me fait remarquer à juste titre que tout le monde ne sait pas qui est PMO. Il est vrai que je les ai cités si souvent et leurs derniers écrits ont fait tellement de bruit que je partais du principe que c’était le cas, alors que non, bien sûr. PMO, abréviation de Pièces et Main d’Œuvre, est un collectif grenoblois qui se dit ludite et libertaire et qui œuvre depuis une quinzaine d’années (d’abord sous l’appellation “simple citoyen”, avant de prendre son nom définitif), essentiellement à une critique des nanotechnologies, des biotechnologies, de l’industrialisation, des puces RFID, des OGM… Il produit des textes dont j’ai toujours trouvé le style trop violent (chez PMO, on écrit à la kalachnikov) mais dont la qualité de fond était toujours excellente par son érudition, sa précision, sa rigueur. Ils éditent aussi des ouvrages de la même veine, soit écrits par eux-mêmes, soit écrits par des auteurs dont ils partagent les convictions. Ils sont enfin les initiateurs d’opérations qui ont fait du bruit dans certains événements (promotion des nanotechnologies, obligation de puçage des animaux d’élevage). Par exemple, nous leur devons l’annulation de cette vaste fumisterie qu’était le débat public sur les nanotechnologies. A l’échelle de Grenoble, ils ont été le fer de lance bruyant de l’opposition à Minatec (pépinière d’entreprise pour le développement des nanotechnologies) et Clinatec et ils ont embêté pas mal d’élus, dont Geneviève Fioraso, qui a longtemps été première adjointe de Michel Destot, maire de Grenoble (aujourd’hui elle est ministre de la recherche et de l’enseignement supérieur). Au niveau local, ils avaient réussi à avoir un certain poids (et j’en parle au passé puisqu’ils viennent de se saborder en publiant des énormités sur le genre, offrant ainsi à leurs détracteurs une occasion de les discréditer totalement, ce qu’ils ne manqueront pas de faire). On peut trouver sur leur site la totalité de leurs publications.

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Notes:

  1.  Et surtout, voir s’il retrouve le texte de B. Preciado dans l’interprétation de PMO ; après tout, je n’ai peut-être rien compris, hein ?

3 comments for “PMO rebat les cartes : faux pas ou suicide politique ?

  1. lorju
    27 décembre 2014 at 10 h 25 min

    Bonjour,

    Excuse moi de mon ignorance, je n ai pas lu ton billet jusqu’au bout … je suis pas chez moi mais en famille, mais moi je ne sais pas qui est PMO, mais ça semble important de le savoir pour te comprende.
    Excuse moi encore.
    Meilleurs voeux.
    Bisous.

    • Philomenne
      27 décembre 2014 at 10 h 49 min

      Oh mais oui. J’ai si souvent lu et cité PMO que je partais du principe que tout le monde connaissait… alors que non. J’allais te répondre ici mais mieux encore : je vais faire un addendum à mon billet. J’y cours.
      Bisous aussi

  2. lorju
    27 décembre 2014 at 18 h 08 min

    Super Philomenne … Tu combles un petit pan de mon ignorance. A très bientôt.

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